ça flambe à la pointe ! © Colorwatt Ne connaissant pas bien l’association NégaWatt (honte à moi), je m’imaginais (mais pourquoi donc ?) que cette association était un groupe de militants pas rigolos adeptes de la décroissance dans toute son horreur (dans le style : On va interdire le gaufrier, les jeux vidéo et la guitare électrique). Et bien, mille excuses, j’avais tout faux.
L’Association NégaWatt a fait une analyse fine de notre système électrique et en a donné les résultats lors d’une conférence de presse le 1er décembre. Sous un intitulé choc « la pointe d’électricité en France… zéro pointé ! », le rapport dresse un bilan complet du phénomène de pointe lié à l’usage du chauffage électrique, et préconise des solutions pour sortir de l’impasse.
La pointe, c’est quoi ?
« Un élément dimensionnant du système électrique ». La pointe de puissance, c’est le moment de l’année où, du fait des variations horaire, journalière et saisonnière, la puissance électrique appelée est la plus importante. « Elle revêt une très grande importance car c’est elle qui détermine les capacités des infrastructures de production et d’acheminement à installer, et, partant les investissements nécessaires, même si ces capacités ne sont utilisées à plein que durant quelques heures par an », explique NegaWatt.
La sensibilité de la conso électrique au froid : Une spécificité française
NégaWatt constate que, en observant l’historique de consommation, « l’augmentation de la demande de pointe hivernale est, depuis 1996, beaucoup plus rapide (+40%) que la demande en base (+19%) ». Cette augmentation est parallèle à la croissance de l’usage en France du chauffage électrique depuis 1996. Sa part de marché s’est accrue de façon constante, et actuellement, 70% des logements neufs sont chauffés à l’électricité.
Conséquence directe de cette évolution : Une sensibilité toujours plus grande de la consommation électrique française au froid, entraînant des records de consommation toujours plus hauts et plus fréquents que l’on connaît.
L’hiver dernier, la pointe de puissance a culminé à 92400 MW le 7 janvier 2009 (contre 84400 MW pour la pointe de l’hiver précédent). Selon NegaWatt, la consommation de chauffage électrique durant la pointe du 7 janvier est « responsable d’une surconsommation en puissance de 34000 MW, soit l’équivalent de la moitié du parc nucléaire français ».
Cette situation est unique en Europe : selon RTE (gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité) « la sensibilité aux températures extérieures en hiver est en effet largement plus forte en France que dans les systèmes voisins : le gradient thermique du système français, qui approche 2100 MW/°C, représente à lui seul près d’une fois et demie la somme des gradients thermiques de tous les autres systèmes européens ». Singularité française : Au total, plus de la moitié du chauffage électrique européen est français.
Résultat : émissions de CO2, surcoût économique et gaspi…
L’amplitude de la pointe de consommation a des conséquences désastreuses : fragilité plus grande du système électrique, recours à des moyens de production carbonés (centrales thermiques au charbon, au fioul), ou à des importations (au moment précisément où les prix sont les plus élevés). Le bilan carbone de l’électricité estimé à 60 g CO2/Kwh peut monter jusqu’à 1000 g CO2/KWh en période de pointe. Mais curieusement, les émissions de CO2 issues des importations carbonées ne sont jamais comptabilisées dans le bilan français…
L’hérésie du chauffage électrique
NégaWatt rappelle que le chauffage électrique par effet joule, c’est-à-dire dans les convecteurs irradiants majoritairement utilisés actuellement – est un moyen particulièrement peu efficace pour se chauffer. Son rendement énergétique est, lorsqu’il recourt à des centrales de production telles que les réacteurs nucléaires (dont le rendement est lui-même de 33% entre la libération de chaleur et la production d’électricité), inférieur à 25%. Lorsqu’il fait appel à des centrales thermiques brûlant des combustibles fossiles, le chauffage électrique par effet joule a un rendement 2 fois moins bon, en ordre de grandeur, que leur utilisation directe en chaudière.
Un comble : Le développement de centrales à cycle combiné gaz pour la production d’électricité destinée au chauffage électrique imposerait d’importer 2 à 2,5 fois plus de gaz que si l’on choisissait de consommer ce même gaz pour chauffer, à niveau d’isolation égal, directement les logements avec des chaudières performantes. C’est Gazprom qui se frotte les mains…
Les pistes pour en sortir
La démarche NégaWatt mise avant tout sur la sobriété énergétique (supprimer les gaspillages et les besoins superflus), l’efficacité énergétique (qui permet de réduire les consommations d’énergie pour un besoin donné) et les énergies renouvelables. « Cette démarche, appliquée au problème de la consommation électrique, ne vise pas à réduire les services liés à l’électricité, mais à utiliser de la façon la plus efficace qui soit cette forme noble et précieuse d’énergie » explique l’Association. Sa mise en œuvre conduirait « à diminuer les besoins tant en puissance qu’en énergie, avec un impact positif sur l’ensemble des conséquences économiques et environnementales de la pointe ».
Les mesures urgentes
1) Une politique tarifaire pour favoriser les économies d’énergie :
- Inverser la modulation sur le prix des abonnements et le tarif dégressif du kWh.
- Répercuter sur les usages qui en sont responsables le coût du surdimensionnement à la pointe.
2) Une réglementation contraignante et équitable
- Dans le logement neuf, un seuil unique de 50 kWh/m2/an en énergie primaire toutes énergies (en conformité à la proposition faite au Grenelle)
- Dans l’existant, exigences en rénovation à 80 kWh/m2/an (chauffage et ECS)
- Elimination des équipements les moins performants
3) Fiscalité
- Subvention pour les seules pompes à chaleur très performantes
- Forte incitation à la conversion des bâtiments chauffés à l’électricité vers les ENR.
- Mise en place d’une véritable contribution Climat-Energie au lieu du seul signal « taxe carbone » qui comprendrait toutes les énergies dans son assiette, en particulier l’électricité avec une pénalisation particulière pour l’électricité consommée en pointe.
Naissance d’un institut NegaWatt
L’association NégaWatt, qui regroupe près de 400 experts de l’énergie, a annoncé aussi la création d’un Institut NégaWatt axé sur le problème de la consommation. L’Institut dispensera des formations accessibles aux non techniciens sur la consommation des appareils.
Infos, schémas présentés à la conférence de presse disponibles sur Negawatt
A cette occasion, Benjamin Dessus et Bernard Laponche ont annoncé que Global Chance et NégaWatt publieraient un cahier conjoint sur les bons usages de l’électricité en janvier 2010. Les publications de Global Chance sont accessibles gratuitement en ligne sur www.global-chance.org